Antiquité


Ventouse romaine

Cucurbitula

 

 

Quand vous incisez la peau, vous faites sortir du sang – pratique chamanique ancestrale, le guérisseur extrait du corps de son patient un esprit maléfique pour le cracher au loin dans un geste tout aussi adroit qu'impressionnant. Les médecins de l'antiquité – de la Mésopotamie à la Grèce en passant par l'Egypte – tous ils maitrisaient la technique tant de la saignée sanglante que de la variante sèche. Dans les grandes civilisations telles l'Egypte, la Grèce, la Chine, l'homme perfectionna le procédé de l'aspiration par la bouche en mettant au point des ventouses en terre cuite, en bois, en bambou, en corne d'animaux, en métal et en verre. On pense que la Chine pratiquait la saignée par ventouse il y a plus de 4 000 ans – la ventouse occidentale nous serait-elle donc parvenue dans le sillage de marchands chinois? La voie des spéculations est ouverte …

 

Haute antiquité

Représentation d'une ventouse sur le tampon du médecin mésopotamien Urlagaledinu 3300 av.Chr – son esclave est appelé ventouseur et poseur de pansements. Le papyrus égyptien Ebers datant de 1500 av.Chr.mentionne la ventouse sanglante – Hérodote nous renseigne en 413 av.Chr. que les Egyptiens connaissaient ventouse sanglante et sêche.

 

Epoque grecque

La première représentation d'une consultation médicale (sur le petit "arybelle Peytel" nommé d'après le banquier juif Peytel qui en fit cadeau au musée du Louvre en 1914), vous y voyez une ventouse - vous dire l'usage archicommun de cet outil. Les Grecs l'appelaient "sikuos", c.à.d. la petite calebasse, une comparaison qui sera reprise plus tard par les romains qui l'appelleront "cucurbitula". Observation curieuse: il semble que ni les Grecs ni les Romains ne connaissaient le scarificateur! 

La théorie avait évolué, Hippocrate ne croyant plus aux esprits maléfiques. Selon sa théorie - enseignée jusqu'au 17ème siècle - il existait 4 humeurs dans le corps et l’instabilité de l’une d’elles était la cause des maladies tant physiques que psychiques. Pour rééquilibrer le corps, il fallait rectifier l’excès ou le défaut de l'humeur en cause, d’où la saignée faite par ouverture d’une veine ou, variante anodine de ce procédé, la pose d'une ou de plusieurs ventouses: dérivation du sang malade au moyen de la ventouse sèche, extraction radicale et brutale au moyen de la ventouse sanglante après scarification.

Epoque romaine

Les vrais romains détestaient la ventouse, tout comme ils détestaient leurs médecins venant de Grèce. Pourtant, sur les rangs de l'école médicale d'Alexandrie les jeunes médecins apprirent l'art de poser les ventouses – les indications étaient sujettes à discussion et variaient d'un maître à l'autre. Galien reprochait à Erasistrate de négliger la ventouse. D'autres médecins exagéraient certainement: ventouse sur les seins pour traiter la dysménorrhée, ventouse appliquée sur les morsures fraiches de chien pour extraire le venin de la rage, sur les morsures de serpent pour extraire le "virus" mortel. Celse, Oribase, Antyllus, Hérodote, tous ils nous parlent de l'emploi bénéfique de la ventouse. Petit frère de la saignée, la ventouse était employée de préférence sur le patient afffaibli ou pour traiter des affections plus localisées. Mais, certaines indications visaient haut: épilepsie, paralysies, céphalée, pneumonie, diarrhées. Quoi de plus simple que l'application d'une ventouse: vous placiez la cupule audessus d'une flamme, par exemple la flamme d'une lampe à huile. Quand l'intérieur était suffisamment chauffé, vous la placiez contre la partie du corps que vous vouliez traiter. Pour l'extraction de maladies profondes on employait des ventouses à col étroit, pour des affections plus superficielles on préférait les ventouses à goulot plus large don’t l'aspiration était plus douce. Sous l'empereur Auguste on assista à un changement de mode. Son médecin personnel Themison introduisit les sangsues – ce qui rendit les ventouses superflues: rien d'étonnant donc de retrouver par-ci par-là une ventouse romaine dans une église, où les premiers chrétiens – pieux et pauvres - conservaient les reliques de leurs saints dans ces petits pots.

 

Moyen âge

Oui, les matériaux avaient évolué. De la bronze on en était arrivé au verre, à la terre cuite, et les baigneurs continuaient à utiliser les cupules du moyen âge au 19ème siècle, sans changements notables. La médecine moderne prit ses distances, la médecine populaire et douce restant attachée aux cupules. Un mot sur l'origine du mot "Schröpfkopf" que les allemands donnent à la cupule. Le terme dérive de l'allemand "schrèffen", inciser et du mot "cup", pour la tête ou le bol de jatte.

 

Musées

Plusieurs grands musées présentent des ventouses romaines, toutes en bronze – c'est le matériel le plus durable. Les ventouses en verre et en corne n'ont tout simplement pas survécu. Si le sujet vous a pris, allez voir les ventouses

- au Science Museum,

- au Wellcome Historical Medical Museum, tous les deux à Londres,

- au musée archéologique de Martigny en Suisse,

- au musée de Bingen sur le Rhin,

- au "Kurpfälzische Museum" de Heidelberg.

 

Notre objet

Nous avons le plaisir de vous présenter une ventouse achetée dans un magasin canadien à Ottawa qui le détient d'une gallerie New Yorkaise. Hauteur 8.3 cm. Son bord arrondi empêche une vilaine pression sur la peau et améliore l'étanchéité. Vrai ou faux, peu importe. Si vous demandez à Mr. Ernst Künzl, archéologue et historien de la médecine, directeur du musée de Mayence, il vous dira que la cupule est un faux puisque ni lui ni moi nous n'étions présents au moment des fouilles. Il n'en reste que cette ventouse est un bel objet de démonstration pour vous présenter la médecine romaine.